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Poisson ailé

 

 

A trop traîner les rues sur des vélos volés,

J’ai usé le bitume au point d’y tracer de profonds sillons,

Itinéraire du vide au cœur d’une ville nommée néant.

 

J’ai cousu des ailes en carton à mon costume d’incognito,

Je les ai arrosées d’un bon demi-litre de Cointreau et y ai foutu le feu.

 

J’ai pris appui sur le guidon d’un BMX Mongoose Kaki, flambant neuf

Et me suis mis à pédaler comme un dératé, les ailes en flammes.

En danseuse, j’ai compris qu’il se passait quelque chose de grand et d’impromptu.

Je l’ai su en observant la lune ramer comme une folle furieuse pour tenir la distance,

Mais elle comme les autres, je l’ai mise dans le vent.

Mon corps relié à un cerf-volant en forme de long nuage incendié,

J’ai foncé comme un diable sur les avenues en vrac,

Grillé les chauffards saouls et mis la honte à des gabians nerveux en déroute.

J’ai filé comme une comète en direction de la mer,

La vitesse et ses embruns m’en ont tiré quelques larmes givrées.

J’ai accéléré un peu plus lorsque s’est profilé devant moi un tremplin fait de lambeaux de bois.

J’ai heurté la chose à toute blinde et me suis élevé dans les aires.

Le corps à l’abandon, j’ai virevolté par-dessus la digue, incandescent

Puis me suis écrasé dans les profondeurs d’une eau noire.

Pari tenu.

Là, dans l’intensité du silence marin,

Dans le ralenti de sa mouvance molle,

A la portée de chaque chose,

Je m’y suis senti… migrant, vibrant, vivant,

Ou plus précisément, comme un poisson dans l’eau.

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